L’âme du monde sauvage (11:42)
Espèces en vedette : loup, plongeon huard (huart à collier), bruant à gorge blanche et paruline obscure.
(Enregistré dans le Nord de l’Ontario, Canada)
Un clair de lune de mai. Il fait froid. Le jour n’est pas encore levé que l’atmosphère se charge de minuscules gouttelettes de rosée. Un loup lance plusieurs appels pour savoir où sont les membres de sa meute. Par temps calme, son ouïe sensible lui permet de percevoir la réponse de ses congénères sur une distance de huit kilomètres. Entendre le hurlement du loup dans son habitat naturel représente l’une des expériences sonores les plus émouvantes. Malheureusement, en l’associant aux ténèbres et au diable, le folklore populaire en a complètement déformé la signification. En vérité, le hurlement est au loup comme le chant est à l’Homme. Il existe donc autant de raisons de hurler que de chanter : un mariage, une naissance, une mort, un départ, des retrouvailles, une humeur, un état d’âme et surtout, le besoin instinctif de joindre sa voix aux autres pour faire grandir en soi un sentiment d’appartenance à un groupe. Hurler, c’est se lier; se lier, c’est vivre. Le chant d’une meute de loups exalte la Vie dans ce qu’elle renferme de plus beau, de plus sacré et de plus mystérieux.
Aux lueurs du soleil levant, les chants du bruant à gorge blanche ouvrent le chœur des petits oiseaux forestiers dont font partie le merle d’Amérique, le junco ardoisé, le bruant chanteur et plusieurs autres. Bientôt, tous saluent le jour nouveau d’une même voix. Le lac couvert de brume s’étire en doux clapotis, prêt à multiplier les échos de chacune des vocalises du plongeon huard, aussi appelé huart à collier.
Loup et huart à collier incarnent l’âme des derniers grands espaces sauvages. Ils en symbolisent aussi la frontière, car dès que la civilisation envahit un territoire vierge de la forêt boréale, leurs voix se taisent. Le huart à collier émet une variété de cris saisissants. Les plus connus sont le cri territorial – genre tyrolien – poussé par les mâles en période de nidification, l’appel évoquant une plainte et le ricanement (ou trémolo) généralement associé à un message d’alarme.
Le vent crée des vaguelettes sur le lac tandis que la forêt s’anime des nombreuses voix du matin triomphant. Il y a soudain une telle diversité de chants qu’on peine à identifier les espèces de l’arrière-plan sonore. On distingue cependant la paruline des ruisseaux, la paruline obscure, le bruant à gorge blanche et la paruline verte à gorge noire.